Ceci est l’histoire d’un projet de réhabilitation qui ne veut pas mourir. Un long et sinueux parcours d’un organisme sans but lucratif qui se bat depuis trois ans pour trouver les fonds nécessaires à la rénovation d’un théâtre qui fait parti du...
Nous sommes au 16ème siècle. A l’époque, le secret de la prospérité d’Anvers n'est pas dans la situation que la ville occupe au bord de son fleuve, si excellente eut-elle été, et il n'est pas non plus dans l'énergie ou l'intelligence de sa population. Non, la source profonde de la grandeur anversoise est dans l'esprit nouveau qui y anime la vie économique.
Plus tôt que n'importe quelle autre place de commerce, celle-ci a pris pour devise la liberté, elle s'est ouverte généreusement à tous, elle s'est faite le rendez-vous des nations. Chez elle, plus aucun de ces droits d'exception qui réservent soigneusement le commerce ou l'industrie à la population locale, et en excluent l'étranger.
Anvers, au contraire des autres places européennes, s'affranchit des préjugés de la tradition et inaugure avec un confiant optimisme le principe de la liberté commerciale. Elle ne concède alors aucune prééminence à ses bourgeois, au détriment de l'étranger. Elle débarrasse ses artisans de la lourde armature des réglementations corporatives. Elle s'organise pour la liberté des échanges, pour la communication facile et rapide des hommes et des biens.
On pourrait lui appliquer à bon droit ce beau nom d'humaniste, dont s'enorgueillissent à la même époque les penseurs et les artistes. Nul préjugé de domicile, de race, de langue ; nul particularisme, nul craintif repliement sur soi-même.
La ville ouvre son cœur à tous. Elle appartient et elle veut appartenir à l'humanité. Francesco Guichardin, ambassadeur auprès du pape Léon X, la présente alors comme la «patrie commune de toutes les nations » qui mérite d'être appelée de ce beau nom : « la fleur du monde ».
Vers la fin du 15ème siècle, Portugal et Espagne se livrent des guerres de domination sur les îles des Indes orientales afin de s’assurer du monopole des épices, à cette époque rares et extrêmement recherchées. Les navigateurs portugais finissent par contrôler tous les accès de l’Océan Indien, sauf la Mer Rouge. En situation quasi monopolistique, ils rapportent des quantités d’épices de plus en plus conséquentes.
Six mois après le retour de Vasco de Gama, Cabral, l’explorateur portugais qui a découvert le Brésil, part entreprendre des négociations commerciales sur les épices indiennes. Il revient avec pas moins de 300 000 livres du précieux ingrédient. Une cargaison d’importance qui pourrait être à l’origine de l’empressement de la création de la nouvelle bourse d’Anvers, « Handelsbeurs », pour les vendre sur tout le marché européen.
Très chères, les épices ont longtemps servi de monnaie d'échange, au point d'être à l'origine de l’expression « payer en espèces » !
Mais à cette époque, Anvers redistribue aussi l’alun, le sel portugais, les soies et les velours d’Italie, les vins d’Espagne et de France contre les blés de la Baltique ainsi que les sucres tropicaux.
Elle accueille les draps anglais pour les apprêter et les teindre, dévie en direction de la péninsule ibérique le flot de cuivre qui provient d’Europe centrale, vend au Sud les produits de la métallurgie de Liège en Belgique et ceux de la nouvelle draperie flamande, et bien d’autres choses encore…
Cosmopolite dans le sens le plus complet de ce mot, Anvers accueille à la fois l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la France, l'Angleterre et l'Allemagne. Tous ceux que sa large et intelligente hospitalité attire de tous les points du monde. Sous ses gracieuses galeries, on y entend parler toutes les langues, on y coudoie des gens de tous les climats et de toutes les professions. En relation avec les marchands flamands établis à l’étranger, Anvers correspond aussi avec les comptoirs coloniaux du Brésil, du Pérou, de la Chine.
En 1531, elle devient la toute première bourse moderne avec un marché permanent, ouvert chaque jour à heures fixes, et se transforme rapidement en une structure purement financière grâce à la concentration des transactions. Les prix des monnaies et des instruments financiers, les premiers taux de change y furent fixés.
La publication pour la première fois d'une cote, c'est-à-dire d'une liste imprimée des cours traités lors d'une séance de négociation sur différentes marchandises, se produit en 1592.
Au 16ème siècle, il y a plus de 100 000 personnes à Anvers dont 10 000 marchands étrangers. Nulle part au monde ne se rencontrent un tel spectacle, une telle liberté, et, favorisé par cette liberté même, un mouvement d'affaires aussi intense, aussi novateur dans ses procédés. La bourse d’Anvers fait l'étonnement et l'admiration de ses contemporains.
Grâce à la liberté dont on y jouit, le capitalisme, contre l'expansion duquel le Moyen Âge avait dressé ingénieusement tant de barrières, s'y épanouit en tous sens. II inaugure des méthodes nouvelles d'échanges, il jette ses gourmes, il s'essaye. Il perfectionne les instruments de crédit, les assurances maritimes, le régime bancaire.
Il s'enhardit à des spéculations, qui enrichissent en quelques mois ceux qui s'y adonnent ou les font sombrer dans des faillites retentissantes. L'esprit d'entreprise s'y manifeste dans tout ce qu'il a de meilleur comme dans tout ce qu'il a de pire. On rencontre des aventuriers de la finance, des aigrefins, des chevaliers d'industrie ne reculant pas devant l'assassinat pour se débarrasser de leurs concurrents ou de leurs créanciers.
Mais ce que l'on y rencontre surtout, ce sont des nouveaux riches, des parvenus, des gens dont l'intelligence a été à l'origine de la fortune, et qui se sont élevés par leur habileté à saisir, dans ce milieu ouvert à toutes les initiatives, les moyens de se faire leur place au soleil.
En 1565, le Royal Exchange, première bourse de commerce de la Cité de Londres, fut ouvert sur le même modèle que l’Handelsbeurs, la bourse d’Anvers. Son créateur Thomas Gresham, marchand et financier anglais, a choisi la forme trapézoïdale pour le lieu, influencé par celle de la bourse anversoise qu'il avait visitée. Il en confia d’ailleurs la construction à un architecte anversois et à des ouvriers flamands.
Le bâtiment de la bourse d’Anvers est détruit par les flammes une première fois en 1583, mais fut immédiatement reconstruit d'après les mêmes plans, avec un carré ouvert sans toit en son centre et tout un espace de colonnades couvertes sur les côtés.
L’attractivité de la ville d’Anvers baisse après le siège de la ville par les armées espagnoles, qui s’en emparent. Entre 1661 et 1810, le bâtiment est en partie utilisé par l’académie des arts et la Guilde de Saint-Luc, confrérie de peintres, graveurs, sculpteurs et imprimeurs de la Renaissance. En 1853, l’espace intérieur est clos avec un toit surmonté d’une coupole centrale en verre, conçue sur le même modèle que le Crystal Palace de Londres.
Cinq ans plus tard, comme une malédiction, un incendie détruit à nouveau le bâtiment. Un concours d’architecture est alors organisé pour sa reconstruction, imposant de conserver la mémoire de l’ancien style du bâtiment. Ce concours est remporté par l'architecte Joseph Schadde, qui reconstruit la Bourse du Commerce dans le style bas gothique brabançon. Le bâtiment est achevé en 1872.
Il est alors décrit comme étant «une curieuse combinaison de style néo-gothique et de techniques révolutionnaires », en particulier sa construction métallique à l'intérieur et ses piliers magnifiquement sculptés, surmontés d’une galerie supérieure comprenant 38 colonnes.
La bourse de New York représente aujourd’hui ce qu'était au 16ème siècle celle d'Anvers : le pouls du commerce mondial. Elle sera éclipsée par Amsterdam au 17ème siècle, avant que la City de Londres ne prenne le relais au 18ème siècle et Wall Street, à New York, au 20ème.
En 1997, « Handelsbeurs » est détrônée au profit de la Bourse de Bruxelles, capitale de la Belgique. Les bâtiments sont alors abandonnés mais restent jusqu’à ce jour exceptionnellement préservés. Ce bâtiment au style architectural unique et très symétrique est aujourd’hui enclavé dans un pâté de maisons avec quatre rues en croix qu'il domine de son dôme de verre.
Il est officiellement annoncé, en 2012 par la ville d’Anvers, que le lieu sera reconverti en hôtel cinq étoiles de luxe avec 112 chambres, une salle de réception, un restaurant gastronomique et un parking souterrain sur trois étages, pour 293 voitures.
Les premiers coups de pelleteuse mettent à jour, en février 2016, des trésors archéologiques dans les sous-sols de l’ancienne bourse. Des fouilles archéologiques sont entreprises et révèlent, par la présence de sable gris, la présence d’un jardin médiéval cultivé à l’époque au sein même du site. Des urnes funéraires remontant à l’âge de fer (-800 à -57 avant JC) y ont même été découvertes.
Trois mois plus tard, les travaux de transformation du site ont redémarré. L’Autograph Marriott Hôtel devrait ouvrir ses portes au début de l’année 2019.
Dans l’une des plus grandes salles du premier étage, un tableau pour le moins étrange.
Tirage noir et blanc d’une photo surprenante prise au cœur de la vieille bourse ; image subliminale d’une nymphe à la longue chevelure dorée, juchée en haut d’un immense escabeau et retenue par les défenses d’ivoire d’un jeune éléphant. L’empreinte testimoniale du passage du photographe Marc Lagrange, disparu trop tôt en décembre 2015.
Internationalement reconnu, au même titre que les plus grands représentants du 8ème art, comme Helmut Newton ou Irving Penn, son premier livre « Diamonds and Pearls » a été publié dans plus de 80 pays.
« The elephant in the room », photo prise le 15 octobre 2014, a été révélée parmi d’autres lors de l’exposition posthume « Senza parole », littéralement « pas de mots pour cela ». L’effet même que le photographe veut produire lorsqu’on est invité à découvrir ses images. Accompagné de son équipe, de ses mannequins fétiches et de sa muse Inge Van Bruystegem, il a voyagé entre Anvers, Pietrasanta en Italie et Paris pour matérialiser ce voyage extatique, celui du secret de l’humain dans des mises en scène incroyables et magiques.
Comme toujours, il a financé lui-même ce projet. Il fit venir dans l’ancienne bourse deux chameaux, des perroquets et l’éléphant « Bubu », tout droit venu d’un zoo d’Allemagne. Sa femme, Saskia Dekkers, styliste pour sa propre marque Sa’S, s’est quant à elle occupée des décors, des costumes et de la mise en scène.
Dans la version originale quadrichromique de ce huis clos subliminal, la robe, faite d’une myriade de pétales de couleur rose, transcende littéralement le lieu. Comme un ultime hommage. Quelques souvenirs du shooting persistent encore, çà et là, sur la toile :
SENZA PAROLE - Behind The Scenes from Marc Lagrange on Vimeo.
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