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Les premières années de l’ancien pensionnat pour filles furent bien modestes. Installé dans un village anglophone où l’élite était divisée en plusieurs communautés religieuses, le révérend à la tête de la création de l’institut dispose de bien peu de moyens (et d’expériences). L’eau du puit gèle l’hiver, ce qui oblige les pensionnaires à quémander l’eau aux voisins, l’argent manque pour payer les salaires et face aux conditions d’hygiène déplorables, plusieurs élèves sont fréquemment malades. Le fils du révérend succombera d’ailleurs à de violentes fièvres.
Les problèmes monétaires sont à ce point récurrents que le révérend lui-même ne se versera jamais de salaire durant les dix années de services. Submergé par les dettes, il quittera en 1884 sans jamais avoir été remercié pour son sacrifice.
Néanmoins, l’institution survit. Plusieurs dons viendront dérougir les finances et dès 1900, la nouvelle cohorte de 34 pensionnaires arrive au pensionnat nouvellement électrifié. L’année suivante et ce en seulement quatre ans de loyaux services, une Anglaise viendra offrir à l’institution des armoiries, un nouveau nom et une soudaine (et forte) appartenance à l’Angleterre. Dès lors, les inscriptions remontent en flèche et les étudiantes proviennent d’aussi loin que du Mexique, de Californie et de Vancouver.
La vie des étudiantes est très encadrée et la discipline très stricte. Si les visites au village sont rares, il va sans dire que la fréquentation des garçons est formellement interdite. Même la correspondance est scrutée à la loupe afin de ne permettre d’écrire qu’à ses parents. Impossible d’écrire à un garçon, qu’il soit votre frère ou non.
Les années passent et des rénovations viennent dès 1913 modifier l’allure du collège. De nouvelles ailes sont ajoutées et une ferme adjacente viennent agrandir l’important complexe scolaire. Et alors que le révérend qui avait fondé l’institution près de 40 ans plus tôt meurt sans jamais être revenu, sa création devient de plus en plus imposante : gymnase, piscine intérieure, nouvelle résidence et plus encore viennent peu à peu transformer l’ancien collège en vénérable institution.
Les étudiantes sont toujours de plus en plus nombreuses et proviennent dorénavant d’un peu partout à travers l’Amérique et l’Europe. L’après-guerre fut d’une prospérité jamais égalée. Mais la récession du début des années 1970 signe l’arrêt de mort de nombreux collèges privés à travers le pays. Qui plus est, l’appartenance au Canada et non plus à l’Angleterre vient pâlir l’étoile de cette institution qui n’aura finalement jamais fêté son centenaire.
Si on n’enseigne plus au collège, les installations demeurent néanmoins utilisées. Situé à moins d’une vingtaine de kilomètres de là, un autre collège privé décide d’utiliser les dortoirs pour ses propres étudiants.
Mais voilà qu’à la suite d’un meurtre sordide d’une étudiante que l’on retrouvera à quelques kilomètres de là dévêtue et probablement violée, l’étoile des lieux finit par s’éteindre. Alors que l’administration manque cruellement de transparence dans le dossier, les inspecteurs de police chargés de l’enquête font dévier leurs recherches vers des pistes farfelues de fugues et de meurtres entre étudiants. Alors que la famille est persuadée qu’un tueur en série sévit dans la région suite à la découverte d’autres femmes mortes dans des circonstances similaires, la police s’enlise dans ses positions qui ne déboucheront jamais. On ne saura d’ailleurs jamais ce qu’il s’est réellement passé et comme vous vous en doutez, aucun suspect ne fut jamais inculpé.
Peu de temps après, la clé est mise sous la porte et il faudra attendre quelques années avant que le site ne soit à nouveau occupé. Un hôtel de luxe y logera durant plusieurs années des convives d’un peu partout.
Dans les années 2010, le site est à nouveau vendu et c’est maintenant un projet de condos sur le vaste terrain qui est proposé. Mais au bout de plusieurs années, et devant une contestation vive d’une population de plus en plus divisée sur l’avenir des lieux, le site sera à nouveau vendu.
Aujourd’hui, après de nombreuses années laissé à l’abandon, l’hôtel a rouvert et, modestement, tente de redorer le blason d’une époque aujourd’hui révolue.
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